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La France a adopté une stratégie ambitieuse pour l'énergie et le climat, visant la neutralité carbone d'ici 2050, en accord avec l'accord de Paris et le Pacte vert pour l'Europe.

• Cette stratégie se divise en deux volets principaux : la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). La SNBC, instaurée par la loi de 2015, fixe des budgets carbone pour différents secteurs d'activité et catégories de gaz à effet de serre, avec des objectifs de réduction progressive des émissions. Les budgets carbone sont établis pour des périodes de cinq ans, et la neutralité carbone en 2050 implique des émissions de GES de 80 MtCO2eq, compensées par une absorption équivalente par les puits de carbone.

La SNBC poursuit quatre grands objectifs : décarboner la production d'énergie, réduire de moitié les consommations d'énergie, diminuer les émissions non liées à la consommation d'énergie, et augmenter les puits de carbone naturels tout en développant des technologies de capture et stockage du carbone.

La PPE, quant à elle, est un outil de pilotage de la politique énergétique, avec des objectifs de réduction de la consommation d'énergie, diversification du mix énergétique, et maîtrise de la facture énergétique.

Parallèlement, la France a élaboré une stratégie nationale d'adaptation au changement climatique pour faire face aux impacts déjà visibles et inévitables du réchauffement climatique. Cette stratégie vise à protéger les personnes et les biens, tenir compte des aspects sociaux, limiter les coûts, et préserver le patrimoine naturel.

Le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) est structuré autour de domaines d'action tels que la gouvernance, la connaissance et l'information, la prévention et la résilience, les filières économiques, la nature et les milieux, et l'international.

Compte tenu de ces engagements et alors que se multiplient les alertes des scientifiques internationaux (GIEC, IPBES) sur les impacts du dérèglement climatique et de l’érosion de la biodiversité, la Cour des comptes a publié, le 16 septembre dernier, son premier rapport annuel consacré à la transition écologique.

Ce rapport dresse ainsi plusieurs constats. La transition écologique en France est à un tournant crucial, nécessitant une augmentation substantielle des investissements pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Actuellement, les dépenses doivent doubler pour atteindre 110 milliards d'euros par an, ce qui représente un défi majeur pour le pays.

Bien que les émissions de gaz à effet de serre (GES) aient diminué de plus de 30 % entre 1990 et 2023, ces efforts restent insuffisants pour remplir les engagements climatiques de la France. La Cour des comptes recommande d'adopter une approche plus complète en prenant en compte l'empreinte carbone, qui inclut les émissions liées à la production des biens importés et consommés en France. Elle propose également d'inscrire ces objectifs de réduction dans la version finale de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC).

Au-delà de la décarbonation, la transition écologique doit également adresser des enjeux tels que la biodiversité, la gestion des ressources en eau, la réduction de la pollution, l'adaptation au changement climatique, et l'économie circulaire. Bien que l'État et les collectivités territoriales disposent d'outils de pilotage comme la stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique (SPAFTE), les plans pluriannuels d'investissement et les budgets verts, le rapport souligne que la mobilisation des acteurs privés, notamment les entreprises et les ménages, doit être renforcée. Il est essentiel de mieux cibler les aides pour la rénovation des logements et l'achat de véhicules électriques en analysant la capacité de financement des ménages.

Parallèlement, l'adaptation des territoires au changement climatique est jugée insuffisante par un rapport de l'Assemblée nationale. Les effets du réchauffement climatique, estimés à +4 °C en 2100 par rapport à l'ère préindustrielle, auront des impacts significatifs sur la vie quotidienne des Français, notamment la disparition d'habitations en montagne ou sur le littoral, la baisse des rendements agricoles due aux sécheresses, et des interruptions fréquentes de routes et de courant électrique. Les politiques publiques actuelles peinent à concrétiser l'urgence climatique en actions efficaces, malgré les plans nationaux d'adaptation successifs. Le rapport recommande de donner une valeur juridique à la trajectoire de réchauffement de référence (TRACC) et de renforcer les capacités locales d'adaptation.

Les collectivités locales ont un rôle clé dans l'adaptation au changement climatique, et doivent choisir des aménagements adaptés à leurs spécificités. Le rapport préconise de repenser le droit de l'urbanisme dans les zones à risques, en prévoyant une meilleure articulation des lois montagne et littoral avec les impératifs d'adaptation, tels que les obligations de recul stratégique d'habitations ou d'infrastructures. Il est également suggéré de renforcer l'ingénierie publique pour soutenir les territoires qui manquent de moyens et d'expertise, notamment par la formation obligatoire des élus et la labellisation des bureaux d'études. Enfin, le rapport propose d'évaluer les dépenses et les coûts de l'adaptation, et de trouver de nouveaux financements face au retrait des assureurs des zones à risques.

La Cour des comptes souligne enfin l'importance de la transparence et de la cohérence dans l'action publique pour mobiliser les citoyens et les acteurs privés. L'évaluation des coûts de l'adaptation reste lacunaire, nécessitant des objectifs clairs et des données suffisantes. La stratégie de l'État doit inclure l'adaptation des infrastructures et équipements au changement climatique, tout en conciliant les objectifs d'adaptation avec ceux d'autres politiques publiques, comme l'agriculture céréalière, qui doit jongler entre souveraineté alimentaire, production pour l'exportation, transition agroécologique, et partage de la ressource en eau.

Selon la Cour, le rôle de stratège de l'État est crucial, mais il doit être renforcé pour définir des objectifs clairs et une trajectoire précise pour les atteindre.